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de la sensation en général, c’est que, dans la mémoire, nous avons conscience que cet objet présent est nous-même, le sujet, à un état antérieur de manifestation. Nous voyons de nous-même, objectivement, une certaine image. Et encore n’est-ce pas nous, n’est-ce pas le moi à proprement parler, mais un produit du moi, un effet des manifestations antérieures de ce moi combiné avec les divers non-moi auxquels il s’est appliqué ou avec lesquels il est entré en communication dans sa vie. Mais lorsque ces produits de notre vie antérieure ne nous occupent pas, en sommes-nous moins nous-mêmes pour cela ? Quel est l’homme, qui, à huit jours de distance, ait la faculté de se rappeler ses faits et gestes ? Dans toute la portion active de notre vie, les souvenirs de notre enfance ne s’effacent-ils pas chez presque tous les hommes ? Et, au contraire, n’est-il pas de fait qu’après avoir été longtemps effacés et comme anéantis, ils viennent souvent se reproduire dans un âge très-avancé ? Notre identité devrait donc être fort diverse, suivant le degré de mémoire que nous conservons de notre vie ? Est-elle diverse pour cela, et ne sommes-nous pas toujours le même moi, que nous nous rappelions ou non ce qui nous est arrivé ? Non, ce n’est en aucune façon la mémoire réalisée qui constitue notre être. Notre être, c’est notre virtualité, c’est notre degré d’aspiration pour