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V.


Mais le cœur de Tamara, plein d’une pensée profane, est insensible aux extases pures. Pour elle tout l’univers est couvert d’une teinte sombre, et tout y est pour son âme une cause de souffrance, et la lumière du jour et les ténèbres de la nuit. Aussi, dès que la fraîcheur du soir vient endormir la terre, elle se prosterne devant l’image de son Dieu et fond en larmes. Ses sanglots déchirants au milieu du silence de la nuit troublent l’imagination du voyageur, qui, croyant entendre les gémissements de quelque esprit de la montagne, enchaîné dans une de ses cavernes, prête à peine l’oreille et hâte sa monture épuisée.


VI.


Tamara triste, agitée par la fièvre, vient souvent s’asseoir auprès de la fenêtre. Là, seule, irrésolue, elle regarde au loin avec un œil attentif, soupire, et attend !… Une voix murmure à son oreille : « Il viendra. » Ce n’était pas en vain qu’il lui apparaissait avec des yeux pleins d’une tristesse douce et des paroles de sublime tendresse : Depuis longtemps déjà elle