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DEUXIÈME PARTIE




I.


« Ô Père ! Ô Père ! cesse tes reproches ; ne gronde pas ta Tamara. Tu vois ses larmes ? Hélas ! ce ne sont pas les premières ! Je ne serai la femme de personne !… Dis à ceux qui demandent ma main, que mon époux repose dans la terre humide et que je ne puis donner mon cœur ! Depuis le jour où nous ensevelîmes son cadavre sanglant dans la montagne, un esprit perfide me poursuit avec une vision que je ne puis écarter et au milieu du calme des nuits, des songes tristes et étranges viennent jeter le trouble en moi. Mes pensées et mes paroles s’égarent confusément ; une flamme emplit tout mon sang ; je me dessèche et me flétris de jour en jour. Ô mon père ! Mon âme souffre ! Aie pitié de moi ! Livre au saint lieu ta fille déraisonnable ; là, je serai sous la protection du Sauveur et à ses pieds j’épancherai ma douleur. Ici-bas, il n’y a déjà plus de joie pour moi… Que bientôt à l’ombre paisible des autels, une sombre cellule se referme sur moi, comme une tombe. »