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fausse, car je n’avais pas ôté les yeux un seul instant de dessus le pistolet.

— Vous êtes heureux au jeu ! dis-je à Voulitch.

— C’est la première fois de ma vie, répondit-il en souriant comme un homme content de lui-même : cela vaut mieux qu’une veine au jeu.

— Et c’était plus dangereux.

— Eh bien ! commencez-vous à croire à la prédestination ?

— J’y crois ; seulement, je me demande pourquoi il me semble que vous devez certainement mourir aujourd’hui… »

Ce même homme, qui tout à l’heure avait visé sa tête si tranquillement, soudain se mit à s’irriter et se fâcha.

— En voilà assez, dit-il, en se levant : notre pari est terminé et vos remarques maintenant me paraissent déplacées.

Il prit son bonnet et sortit. Tout cela me sembla étrange, et ce n’était pas en vain.

Bientôt tous s’éloignèrent pour regagner leurs demeures, interprétant diversement les bizarreries de Voulitch, et d’une seule voix, sûrement ils m’appelèrent égoïste, parce que j’avais sou-