Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/275

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lointains vaporeux ! Là, tout chemin paraissait, plus étroit, les rochers, plus bleus et plus effrayants et semblaient enfin former des murs infranchissables ; nous marchions en silence.

« Avez-vous écrit vos dernières volontés ? me demanda soudain Verner.

— Non !…

— Et si vous êtes tué ?

— On trouvera mes héritiers tout de même.

— Il est impossible que vous n’ayez pas quelques amis à qui vous ayez envie d’envoyer un dernier adieu ?

Je secouai la tête.

Il est impossible qu’il n’y ait pas dans le monde quelque femme à qui vous désiriez laisser quelque souvenir ?…

— Voulez-vous, docteur, que je vous ouvre mon âme ? Je ne suis plus, voyez-vous, à cet âge où l’on meurt en prononçant le nom de sa bien-aimée, et en léguant à un ami une mèche de ses cheveux pommadés ou non pommadés. En songeant à une mort prochaine et possible, je ne pense qu’à moi, quelques-uns ne font pas même cela. Les amis qui demain m’oublieront ou peut-être, ce qui est pire, répéteront sur mon