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Elle a rougi et a continué :

— Tu sais que je suis ton esclave et que jamais je n’ai pu te résister… Aussi en serai-je punie quelque jour ; tu cesseras de m’aimer !… Je veux au moins sauver ma réputation ; ce n’est pas pour moi-même, tu le sais très bien ! mais je t’en supplie, ne me tourmente pas comme autrefois avec tes doutes inutiles et tes froideurs simulées ; je mourrai peut-être bientôt ; je sens que je m’affaiblis de jour en jour, et malgré tout cela je ne puis songer à la vie future ; je ne pense qu’à toi. Vous autres hommes, vous ne comprenez pas les jouissances du regard, des serrements de main. Je te jure qu’entendre ta voix me fait éprouver une étrange et profonde sensation de bonheur, telle que tes baisers les plus ardents ne pourraient m’en procurer ! »

La princesse Marie avait cessé de chanter. Un murmure d’éloges s’est élevé autour d’elle ; je me suis approché après tous et lui ai dit que, pour mon compte, je trouvais sa voix assez négligée.

Elle a fait la moue en plissant sa lèvre inférieure et s’est inclinée d’une manière fort moqueuse, en me disant :