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si désagréable et si dur ? il était avec vous le jour où… » Elle a rougi et n’a pas osé rappeler le jour, où elle a eu pour moi cette attention qui m’est si chère.

— Elle n’avait pas besoin de rappeler cela ; le souvenir en sera éternellement gravé dans ton cœur.

— Mon cher Petchorin, je ne te félicite pas, tu as vraiment une mauvaise réputation auprès d’elle ; et je le regrette, car Marie est charmante ! »

Il faut vous faire observer que Groutchnitski est de ces hommes qui, en parlant de femmes qu’ils connaissent à peine, les appellent ma Marie, ma Sophie, si elle a le bonheur de leur plaire.

J’ai pris un air sérieux et lui ai répondu :

— Elle n’est donc pas méchante !… Prends-y garde, Groutchnitski ! Les jeunes filles russes, en grande partie, ne vivent que d’amour platonique, sachant ne pas le confondre avec le mariage. Et cet amour platonique est ce qu’il y a de plus effrayant. La jeune princesse me paraît être de ces femmes qui veulent être amusées ; si elles s’ennuient deux minutes de