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je me suis mis à le questionner sur sa vie aux eaux et sur les personnes de distinction de séjour ici :

« Nous passons la vie assez prosaïquement, m’a-t-il dit en soupirant ; en buvant de l’eau le matin nous sommes fades, comme tous les malades ; et, en buvant du vin le soir, nous sommes insupportables, comme les gens bien portant. Il y a bien une société féminine, mais on en tire peu de distraction. Ces dames jouent au whist et parlent le français difficilement et fort mal ! Cette année, il n’y a ici de Moscou que la princesse Ligowska et sa fille ; je ne les connais pas. Mon manteau de soldat est un signe de ma renonciation au monde, et la considération qu’il me vaut me pèse autant qu’une aumône. »

Au même instant, deux dames sont venues au puits se placer près de nous ; l’une âgée, l’autre jeune et bien tournée. Je n’ai pu voir leurs visages, cachés sous leurs chapeaux, mais elles étaient vêtues avec une sévère élégance du meilleur goût ; rien d’exagéré. Elles portaient toutes deux des robes gris perle et un léger fichu de soie entourait gracieusement leur cou.