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leurs blancs pétales ma table à écrire. J’ai une vue admirable de trois côtés : Au couchant, les cinq coupoles du Bechtou, teintes d’un bleu sombre et semblables aux derniers nuages d’un orage dissipé ; au nord le Machouk, qui s’élève pareil au chapeau fourré d’un Persan et me cache toute cette partie de l’horizon ; à l’orient le panorama est plus gai : En bas, devant moi, fourmille la petite ville, neuve, éclatante de propreté ; j’entends le murmure de ses fontaines salutaires et celui de sa foule polyglotte. Plus loin les montagnes s’amoncèlent en amphithéâtre, de plus en plus bleues et sombres, puis à l’extrémité de l’horizon s’étend la ligne argentée des sommets qui commencent au Kazbek et finissent aux deux pointes de l’Elborous. Qu’il est gai de vivre dans un tel lieu ! Aussi de molles sensations remplissent tout mon être. L’air est pur et doux comme un baiser de jeune fille, le soleil chaud, le ciel bleu. Que faut-il de plus, ce me semble ? Pourquoi existe-t-il des passions, des désirs, des regrets ? Mais il est temps, et je vais à la fontaine Élisabeth, où, dit-on, se rassemble toute la bonne société des eaux. . . . . . . . . . .