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L’ONCLE BARBE-BLEUE

quels jeux on ferait dans la salle de billard, dans le grand fumoir où l’oncle ne fume presque jamais, mais où il a réuni toutes les curiosités rapportées de ses voyages. Un vrai musée, Stanislas, tu y passerais des heures !… Et il y a un poney à l’écurie, je l’ai vu, Jacques, un poney qui a l’air si doux que papa ne te refuserait pas de le monter. Pour Lolo, il y a une balançoire, un trapèze. Oh ! ce serait le paradis terrestre, si nous avions tout cela à nous.

» Imaginez-vous un vrai vieux château, pas une imitation, ni une — comment faut-il dire ? — une restauration, mais un château qui date de trois cents ans, avec des tourelles, des clochetons, des murs dix fois épais comme ceux de notre maison de Paris ; un escalier monumental à double spirale, je crois, comme celui du château de Vizille, où l’Oncle nous a menées l’autre jour. Et des escaliers intérieurs, des fenêtres à tout petits carreaux plombés, sauf dans la partie neuve ; enfin toutes les choses dont on lit la description dans les livres. Il y avait autrefois des remparts et un pont-levis, les uns sont à moitié démolis, ils disparaissent sous les ronces et le lierre ; l’autre a disparu et on a comblé les fossés.

» Rochebrune est, comme l’indique son nom, perché sur un rocher aride, bruni par le soleil, et si escarpé qu’on ne peut y pénétrer que d’un seul côté. Je ne sais pas si je m’explique bien. Je veux dire que le château surplombe la vallée, et que, de ce côté, il serait absolument impossible de pénétrer, tant la montagne est à pic. Il n’y a qu’une seule entrée qui donne dans le parc. Oh ! ce parc, qu’il est joli, papa ! Quels beaux couchers de soleil tu peindrais. Les sapins sont si verts, les montagnes si grandioses autour de