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L’ONCLE BARBE-BLEUE

Antoinette. Ce n’est pas malin de travailler de cette manière. La paresseuse passe son temps étendue sur un canapé ou dans un fauteuil, et la pauvre Miss Dora la poursuit de chambre en chambre, un livre à la main, pour lui répéter ses fables ou son histoire jusqu’à ce qu’elle les sache. Elle est bien forcée de les apprendre, à moins de se boucher les oreilles. Je ne voudrais pas être sa gouvernante pour tout l’or du monde.

» Oh ! le beau cadeau que l’Oncle nous a fait ! devinez ce qu’il nous a donné ? un beau billet de cent francs ! Tu me le mettras à la caisse d’épargne quand je reviendrai, n’est ce pas mon cher papa ? J’ai peur que Charlotte ne dépense tout le sien en sucreries, mais l’oncle a défendu de nous donner des conseils sur la manière d’employer notre argent, et je n’ose rien dire à ma sœur. Vrai, il faut être par trop gourmande pour penser à acheter des bonbons quand on a tous les jours des desserts comme ceux que nous avons. La cuisinière de mon oncle fait la cuisine dans la perfection ; il a dit hier que son omelette soufflée était un chef-d’œuvre. Valentine est la seule qui n’en ait pas tâté, elle dit que quand elle n’a plus faim, elle n’a pas plus d’appétit pour le dessert que pour autre chose ; ce n’est pas comme Charlotte qui en a redemandé trois fois.

» Adieu, mon cher Papa et ma chère Maman, ne soyez pas inquiets de nous ; la pièce d’eau n’est pas profonde, et quand même elle le serait, nous ne sommes pas assez bêtes pour nous y jeter. Nous ne risquons donc absolument rien.

» Je vous embrasse de tout mon cœur, ainsi que mes frères.

» Votre petite fille qui vous aime.

Élisabeth. »