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L’ONCLE BARBE-BLEUE

travers sur des cheveux noirs comme du jais, frisottant légèrement sur le front et à l’extrémité des longues mèches folles éparpillées sur son dos, Geneviève ressemblait à un petit diablotin échappé d’une boîte à surprise, à un joyeux lutin dont le rire éclatait en fusées toutes les cinq minutes. Ses yeux noirs étincelaient de gaîté et de malice, et toute sa petite personne frétillante respirait le bonheur. Elle était vive comme la poudre et ne tenait pas en place, au grand désespoir de ses professeurs, sauf de son professeur de gymnastique.

« J’aurais bien dû naître garçon, » disait-elle souvent quand on essayait de la gronder.

À de certains détails, gants déboutonnés, bottines mal lacées, robe déjà froissée et cheveux ébouriffés à cette heure matinale, on reconnaissait la fillette élevée sans mère. Elle se suspendait au bras de son papa avec toute l’assurance d’une enfant gâtée, et son petit sac de voyage, son manteau attaché par une courroie avec son parapluie de manière à ne former qu’un seul paquet, prouvaient la petite femme ferrée sur l’art de voyager.

À la voir à côté de ses cousines, on eût dit un brillant oiseau-mouche entre deux moineaux au morne plumage.

« Nous sommes ponctuels, » fit le capitaine en tirant son chronomètre, « l’exactitude ne consiste pas à arriver à un rendez-vous avant l’heure, mais bien à l’heure exacte. »

Puis, après avoir échangé quelques paroles avec Mlle Favières, il s’absorba dans une conversation avec sa belle-sœur tandis que les petites filles renouaient connaissance.

« Quel original que le cousin Isidore, lui disait-il. Rester trente ans sans donner signe de vie et se rappeler tout à coup à notre souvenir par une invitation tant soit peu bizarre, c’est