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L’ONCLE BARBE-BLEUE

« cher petit papa chéri » et au ravissement d’apprendre de lui à se servir du cadeau inattendu de l’oncle Cousu d’or : un poney, un vrai poney, qu’elle devait ramener à Caen, ô délices !… Djinn en était complètement oublié.

Le dernier soir, M. Maranday prit Valentine à part.

« Je t’ai mal jugée pendant longtemps, ma mignonne, mais j’ai enfin pu découvrir ta véritable nature de petite violette, explique-moi donc pourquoi, au commencement, tu étais si différente de toi-même ?

À sa grande surprise, Valentine éclata en sanglots. Et d’une voix entrecoupée :

— Mon oncle, j’ai une confession à vous faire. Je… je savais… on avait dit devant moi que… que vous faisiez venir vos nièces pour en choisir une, et… et en faire votre héritière.

Et ses pleurs redoublèrent.

— Vous aviez l’air si malheureux, si triste, reprit-elle quand elle put parler, j’avais envie de vous dire dès les premiers jours combien j’étais désireuse de vous consoler. J’aurais voulu vous supplier de me laisser vous aimer comme un second père. Vous étiez si bon pour nous !… Mais cette maudite pensée d’héritage me paralysait… j’avais si peur que vous me croyiez aimable par intérêt… Oh ! que je l’ai maudit cet argent. Et puis, ces demoiselles qui me taquinaient tant, et tout le monde qui semblait ne pas me comprendre. J’étais très malheureuse, loin de mes frères et de mes parents… Mais enfin (sa voix s’éclaircit) j’ai trouvé Luis. Alors, j’ai oublié ces bêtises d’héritage, et je suis redevenue moi-même, puisque, ayant un fils, vous ne songiez pas à faire choix d’une héritière.

— Chère petite, dit M. Maranday en la prenant dans ses bras, tu m’as plus donné que je ne pourrai jamais te rendre ! Je cherchais parmi mes nièces celle qui, ayant le meilleur