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L’ONCLE BARBE-BLEUE

puis un grand dîner sous les arbres, et, le soir, la fameuse représentation de Jeanne d’Arc, suivie d’un bal sur la pelouse. Que de plaisirs ! Valentine aurait dû être radieuse. D’où vient qu’elle soupirait si souvent en y songeant ? C’est que la petite sœur pensait à ses frères, à ses parents, qu’elle aurait tant voulu avoir auprès d’elle. Fidèle à sa devise, elle s’employait si activement au service des uns et des autres que son chagrin en était allégé. Nul ne se doutait en la voyant qu’elle n’était pas la plus heureuse de toutes les fillettes du château, nul, hormis Luis, qui devinait ses tristesses. Mais, chose bizarre, le jeune garçon n’essayait même pas de consoler sa petite amie. Au contraire, il avait un air satisfait des plus surprenants.

Le jour de la fête était arrivé. Il faut croire qu’il n’est pas en ce monde de bonheur complet, car, de son côté, Geneviève avait un regret inavoué. Ce poney dont elle rêvait, elle ne l’aurait jamais. Luis aimait trop Djinn avec lequel il avait fait tant d’enivrantes chevauchées, et qu’il ne pourrait plus monter, hélas ! Et Marie-Antoinette se désespérait, à cause de la défense de l’Oncle de faire venir de Paris de nouvelles toilettes. Or, Mademoiselle de Montvilliers avait si bien saccagé ses belles robes, grâce à sa manie de les porter à tort et à travers, qu’il ne lui en restait plus une de « présentable ». Elle n’avait rien à se mettre, selon l’expression consacrée. Combien elle regrettait d’avoir gâché, pour le pique-nique, son joli costume clair ! Sa manie de vouloir « épater » les autres par son élégance lui avait joué de mauvais tours.

Elle allait revêtir sa toilette la moins fanée, lorsque l’Oncle « Cousu d’or » (il avait perdu son nom de Barbe-Bleue) se signala par une nouvelle originalité : chacune de ses nièces reçut une robe blanche très simple, mais très coquette. C’était