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LA CONQUÊTE DE LUIS

son père si artiste dans les moindres choses, et l’atelier de la rue de Vaugirard avec ses toiles toujours s’accumulant, et sa mère si dévouée, si bonne.

« Comme vous » murmurait Luis.

Bientôt, elle s’enhardit à mentionner ses frères, les quatre fils Aymon, les quatre hommes dont elle était le petit caporal, selon Geneviève. Le grand Daniel, si studieux, toujours le premier de sa classe… Stanislas, qui aimait tant les voyages… et Jacques, qui était fou de gymnastique et ne rêvait que chevaux… et le petit Lolo aux réparties si drôles.

« Ils vous aimeraient tant s’ils vous connaissaient ! » disait la petite sœur. « Je leur écris des volumes sur vous. Croiriez-vous qu’ils sont jaloux, comme s’il n’y avait pas de place dans mon cœur pour un cinquième frère, sans faire tort aux quatre autres !… »

Et Luis qui, tout en étant un peu plus âgé que Valentine, semblait parfois plus jeune, tant il y avait dans sa nature de créole un côté enfantin, Luis était très fier qu’un pauvre petit infirme comme lui, pût rendre d’autres enfants jaloux de l’amitié qu’il avait inspirée.

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Un jour, M. Maranday voulut savoir l’emploi que ses nièces avaient fait de ce billet de cent francs donné à chacune, à leur arrivée à Rochebrune.

« J’ai encore le mien tout entier, déclara fièrement Élisabeth. L’argent, ça ne se dépense pas comme ça, on le garde.

— Pour les mauvais jours ? demanda malicieusement Geneviève. Si tu ne dois jamais toucher à ton billet, autant vaudrait un chiffon de papier ordinaire.

— Et toi qui parles si bien, qu’as-tu fait du tien ?