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L’ONCLE BARBE-BLEUE

Ainsi se trouvaient expliquées toutes les bizarreries de « l’Oncle cousu d’or » et l’attitude énigmatique des domestiques.

Quant à la colère de Chiquita en trouvant les petites filles au grenier, elle provenait tout bonnement de son indignation de voir « ces étrangères » manier les jouets favoris de son chérubin, ces jouets rappelant les beaux jours où Luis pouvait courir, où il trônait en uniforme de général sur son cheval mécanique, où il trottait sur son poney, le fameux poney dont Geneviève avait si grande envie, et que nul n’avait monté depuis la maladie de son petit maître.

Mlle Favières même, avait été tenue dans l’ignorance, de peur qu’elle n’instruisît par inadvertance les enfants de ce que celles-ci devaient ignorer, tant qu’il ne plairait pas à Luis de se laisser voir. Toujours méthodique, Mlle Favières fit comprendre à Valentine que, quelque bon qu’eût été le résultat dans ce cas exceptionnel, elle n’en avait pas moins eu tort en principe, les petites filles ne devant jamais écrire de lettres en cachette. Valentine n’avait comme circonstance atténuante que le fait d’avoir été uniquement guidée par son bon cœur, mais cela même eût pu lui jouer de mauvais tours en mainte occasion, car les excellentes intentions ne suffisent pas, il faut encore savoir réfléchir et demander conseil aux grandes personnes, sans quoi on risque de faire bien des sottises.

La petite tête folle de Geneviève n’en voyait pas si long. Elle n’était pas loin de s’attribuer tout le succès de « la cure morale » de Luis.

« Si je n’étais pas venue brusquer le dénouement, vous seriez encore là à parlementer, » disait-elle, « je suis arrivée comme marée en carême. »