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L’ONCLE BARBE-BLEUE

— Bien sûr ! à votre place, je ne m’ennuierais pas un instant.

— Je voudrais vous y voir.

— Oh ! je sais ce que c’est. Je me suis fait une entorse l’an passé et je suis restée six semaines sans pouvoir marcher, mais…

Elle faillit ajouter : « mais j’avais mes frères. »

— N’est-ce pas que c’est abominable, lui dit Luis, de plus en plus attiré vers elle par cette similitude.

— Si je pouvais en avoir une aujourd’hui même, pour vous donner ma place au soleil, je le ferais bien volontiers.

— Bonne petite Valentine !…

Mais Luis fronça le sourcil.

Il n’était pas facile d’agir avec lui, car sa fierté se révoltait à l’idée d’être plaint.

— Vous avez une jolie chambre, dit la fillette pour changer de sujet, et elle en fit le tour.

Elle s’arrêta un instant devant la fenêtre, qu’elle ouvrit toute grande pour laisser entrer le soleil.

Luis la laissa faire, oubliant qu’il avait juré de vivre caché, et dans les ténèbres. Mais il la rappela bientôt :

— Parlez-moi du temps où vous aviez votre entorse. Que faisiez-vous ?

— Oh ! mille choses. On a ses livres, ses devoirs… Vous travaillez aussi, n’est-ce pas ?

— Oui, j’ai un précepteur, qui est en même temps mon médecin.

— Cet Anglais aux gros favoris ?

— Tout juste. Il est absent depuis deux jours. Je ne l’aime pas. Et puis, c’est si ennuyeux de travailler seul.

— Pourquoi ne concourez-vous pas avec les élèves des lycées, c’est bien plus intéressant. On n’a pas besoin d’assister