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L’ONCLE BARBE-BLEUE

nom une lettre circulaire à chacune de ces jeunes demoiselles, pour les inviter à venir passer les vacances à Rochebrune.

Maître Chatelard eut un mouvement de surprise.

— Il ne faudra pas comprendre les garçons dans cette invitation ? demanda-t-il.

— Pas même les parents. Les filles seules, vous entendez.

Pour le coup, le notaire bondit, cela sortait tout à fait de l’ordinaire.

— Pardon, Monsieur, mais… ce n’est guère l’habitude en France, de séparer les filles de leur mère, même pour les envoyer chez un oncle à la mode de Bretagne.

— Et surtout chez un oncle que leurs parents connaissent à peine, voulez-vous dire ?

— Je n’aurais pas osé m’exprimer aussi franchement, mais il est bien évident que…

— Bah ! parions que nous arriverons tout de même à nous entendre avec les parents. Vous aurez à vous porter garant de mon honorabilité, Me Chatelard. Vous avez eu entre les mains des papiers de famille qui ne vous permettent pas de douter de ma parenté avec toutes ces bambines. Mon caractère est au-dessus de tout soupçon. Ces fillettes seront traitées comme si elles étaient miennes. Que puis-je vous dire de plus ?

— Certes, ce n’est pas à moi de soulever des objections, mais vous me parlez d’une chose tellement en dehors de nos usages…

— Que voulez-vous, Maître Chatelard, je suis un vieil original, je tiens beaucoup à connaître ces enfants sans être influencé par leurs parents, leur entourage, etc. Mes cousins pourraient se mordre les doigts s’ils s’opposaient à ce caprice d’un oncle à héritage. Dites-leur pour les rassurer sur le sort