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L’ONCLE BARBE-BLEUE

rageait, envoyait ses bottines à gauche et ses bas à droite, en un mot, se comportait comme un bébé de quatre ans fort mal élevé.

Mlle Favières, accourue au bruit, la menaça d’aller chercher son oncle, mais ce qui la calma plus vite encore, ce fut d’apercevoir dans la psyché son joli visage tout défiguré. Ses yeux rougis lui sortaient de la tête, selon l’expression de la bonne ; sa bouche grimaçait, ses joues étaient de la couleur d’une tomate ; bref c’était à ne pas la reconnaître, tant elle était enlaidie.

Tel fut le récit que la domestique, témoin de cet accès de rage, fit à la cuisine. Je vous laisse à penser si l’on s’amusa aux dépens de Mlle Marie-Antoinette de Montvilliers, qui, avec ses grands airs et ses manières hautaines, n’avait pas un ami dans la domesticité.

» Je ne suis qu’une fille sans éducation, disait la fille de ferme, mais j’aurais honte de me mettre dans un pareil état. Ce n’est pas la peine d’être une belle petite demoiselle parée de beaux affiquets, pour agir comme nous ne le ferions pas, nous autres.

Si Monsieur l’avait vue répondit la cuisinière, il en aurait à peine cru ses yeux. Avec ses petites mines de Sainte-Nitouche, aurait-on jamais pensé qu’elle était si rageuse !…

— Monsieur ne le supportera pas longtemps, ajouta le cocher qui se trouvait là.

— La colère et la désobéissance nous ont coûté trop cher, dit le sommelier.

Il va mieux n’est-ce pas ? demanda la cuisinière.

— Beaucoup mieux, répondit le sommelier ; il a demandé de lui-même à sortir aujourd’hui.