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L’ONCLE BARBE-BLEUE

» Ce soir, l’oncle était meilleur que de coutume, il paraissait moins sombre, moins préoccupé, plus heureux enfin. J’avais des remords de ce que j’avais fait, et il me prenait des envies folles de lui demander pardon.

» Je ne dis toujours rien à ces demoiselles de ce que j’ai vu et entendu. De deux choses l’une : ou elles bavarderaient et m’empêcheraient de rien découvrir, sans compter qu’elles causeraient peut-être un tort immense au petit inconnu que je voudrais sauver, ou bien elles se moqueraient de moi, dans le cas où il se trouverait que je me suis forgé des chimères, et qu’il n’y a pas l’ombre d’un mystère dans tout ceci. C’est alors que je ne verrais pas la fin de leurs taquineries ! et elles m’ont déjà tant fait souffrir depuis que je suis ici, que je ne veux pas risquer de m’exposer à leurs railleries.

» Je n’ose me confier à Mlle Favières… Pourquoi ma petite maman chérie n’est-elle pas auprès de moi ! elle me guiderait, elle me conseillerait, elle saurait, bien mieux que moi, venir en aide à ce pauvre enfant et demander sa grâce à mon oncle. Mon ami inconnu est sans doute coupable, mais quelle que puisse être sa faute, et n’aurait-il été au cachot que le temps que nous avons passé ici, je dirais qu’il a expié ses torts, et grandement. S’il se repent, mon oncle ne peut exiger davantage d’un enfant !… »

» Vendredi.

» Ô miracle ! L’oncle s’est occupé de nous toute la soirée, il nous a fait causer ; ces demoiselles ont beaucoup ri, et elles ont plaisanté avec lui comme si elles n’en avaient jamais eu peur. Il a insinué que des affaires imprévues l’avaient obligé « à nous laisser livrées à nos propres ressources, beaucoup plus qu’il ne l’aurait voulu. » Ce n’est pas