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AU GRENIER

— Valentine serait la seconde sœur, et moi, le Prince Charmant ; ça me sourirait assez, dit Geneviève. Mais voyons les autres…

La Cigale et la Fourmi.

— Ce n’est pas une pièce !

— C’est ce qui te trompe, s’écria Valentine… On écrit un joli petit dialogue.

— Qui, on ? toi ?…

— Cela prête à une très jolie action… C’est l’été, on voit des danseuses et des chanteuses, des artistes enfin.

— Oh ! quand elle dit : « artiste », cette Valentine, elle en a plein la bouche.

— La Fourmi ne travaille pas seulement, reprit Valentine toute pleine de son sujet, elle veut bien s’amuser, à condition de ne rien dépenser. Elle amasse, elle amasse toujours. On la voit compter ses pièces d’or. La Cigale dépense sans réfléchir, mais pour les autres comme pour elle-même. Elle a la main ouverte à tout venant.

Nuit et jour, à tout venant,
Je chantais, ne vous déplaise.

interrompit une voix moqueuse.

— Vient l’hiver, continua Valentine, la Cigale n’a plus rien dans ses poches ; elle cherche de l’aide partout ; les parasites qu’elle a nourris ont disparu, les compagnons de plaisir ont fui…

Elle s’en va crier famine…
Chez la fourmi sa voisine !

— Non, mesdemoiselles, vous vous trompez. C’est la Fourmi qui a réfléchi et qui vient trouver la Cigale pour lui dire : ma vie serait bien triste sans vous, qui représentez la poésie et l’art. J’ai joui de vos chants cet été sans rien débourser ; il y a