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LE MANOIR DE VILLERAI

ordre de tuer des chevaux pour la subsistance des troupes et des habitants à Québec et à Montréal. Un officier de distinction fut de plus envoyé à la cour de France afin de faire connaître exactement les terribles souffrances des colons et demander instamment les secours nécessaires. Quoiqu’il ne partît que très tard en automne, et malgré les vents contraires et les tempêtes, il parvint heureusement sur les côtes de France.


XIV


La misère qui pesait si lourdement sur les habitants des villes, mettait dans une complète indigence et remplissait de tristesse plus d’une pauvre chaumière, dans laquelle on aurait trouvé, un an ou deux auparavant, le confort et l’abondance.

Parmi celles-ci était la maison de Joseph Lauzon.

Pendant longtemps il avait été rangé parmi les plus riches habitants de la paroisse, et on pensait que sa fille Rose n’apporterait pas pour dot à son mari que sa rare beauté. Mais les récoltes ayant manqué pendant les deux ou trois années précédentes, la situation avait grandement changé.

    ans jusqu’à celui de soixante, fût enrôlée et prête à marcher au premier avis. Les ordres du gouverneur furent exécutés de point en point ; mais il était moins difficile de trouver des soldats que des vivres pour les nourrir. Les devoirs militaires auxquels les cultivateurs étaient soumis, augmentèrent la disette qui se faisait sentir depuis l’automne de 1755, où on avait été contraint de réduire la ration de pain et de viande des troupes du roi, et où il y avait eu à Québec une espèce d’émeute, surtout parmi les femmes, en conséquence de la rareté du pain et des viandes de boucherie. La récolte de 1758 fut très médiocre, et les réquisitions de grains que faisait le gouvernement, augmentèrent encore la cherté du blé. Quoique l’intendant en eût fixé le prix à douze francs le minot, les particuliers ne pouvaient s’en procurer à moins de trente-six à quarante francs. Ce n’était même qu’avec beaucoup de difficulté que le gouvernement pouvait en obtenir pour les troupes, quelque peu qui leur en fallût après la diminution de la ration, diminution à laquelle elles ne s’étaient soumises, ainsi qu’à l’obligation de manger de la chair de cheval, qu’auprès une mutinerie qui aurait pu avoir des suites funestes, mais qui fut apaisée dès le principe par la prudence et la fermeté du chevalier de Lévis. » (T. )