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LE MANOIR DE VILLERAI

— Oh ! oui, mademoiselle de St-Omer est une excellente femme, et il faudra que je la voie et la remercie moi-même, ce soir, avant de partir.

— Mademoiselle de St-Omer a aussi été bien bonne pour moi, mais la garde-malade à qui je dois le plus, c’est certainement Rose Lauzon. Un jour ou deux après que je tombai malade, elle vint chez moi sans avoir été demandée ni sollicitée. Mais, comme votre main tremble, de Montarville, et comme elle est tout à coup devenue brûlante. Êtes-vous malade ?

— Non, du tout. Continuez, s’il vous plaît, reprit-il avec embarras.

— Bien ; elle est toujours restée avec moi depuis, me prodiguant nuit et jour les soins les plus dévoués, tellement que j’ai appris à l’aimer comme une sœur, si bien que je pense ne pouvoir jamais consentir à m’en séparer maintenant. Il faut que je vous fasse promettre de m’accorder une faveur, Gustave. Vous savez que je ne vous en demande pas souvent.

— Pourrais-je vous refuser quelque chose ? répondit-il tendrement.

— Eh bien ! c’est que, si je vous promets de ratifier immédiatement l’engagement solennel de notre enfance ; si je consens à vous accompagner en France comme votre femme, en retour vous permettrez que Rose Lauzon nous suive, et que notre demeure, dans l’avenir, soit aussi la sienne ?

— Jamais, Blanche ! répondit-il d’une voix étouffée, en se levant. Jamais ! Faites tous les arrangements que pourra vous suggérer votre amitié envers elle ; donnez-lui, si vous voulez, votre seigneurie de Villerai et tout ce que vous possédez ; mais elle doit chercher une autre maison que la nôtre.

— Pourtant, c’est précisément un chez soi qu’il lui faut, Gustave. Elle se trouve si isolée, sans aucun protecteur ; et avec cela si jeune et si belle ! Allons, vous allez consentir, il faut que vous consentiez ; surtout comme j’en fais la condition de mon acquiescement à votre prière.

— Blanche, vous êtes trop bonne, trop raisonnable pour faire cela, dit-il d’une voix presque dure à cause de l’émotion comprimée qui le dominait. Je ne puis vous donner mes