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LE MANOIR DE VILLERAI

Pauline de Nevers, dont la figure d’ordinaire nonchalamment élégante, était plus animée que d’ordinaire, faisait son entrée dans la chambre de madame de Rochon ; et la trouvant seule, elle commença immédiatement à lui raconter, avec plus d’une malicieuse remarque, l’incident de la veille.

L’hôtesse était sceptique, incrédule. Quelle valeur, disait-elle, faut-il attacher aux paroles d’un homme tel que Gaston de Noraye ?

— Eh bien ! vous lui demanderez au moins, ma tante, si elle ne l’a jamais rencontré auparavant ; et cela, de suite, en ma présence, à moins que vous ne craigniez que la réponse ne soit pas aussi satisfaisante que vous le désirez.

Cette remarque décida madame de Rochon immédiatement, et elle reprit avec un certain air de reproche :

— Prends patience, et ta curiosité peu charitable va être satisfaite. Rose sera ici dans l’instant. Celle-ci arriva bientôt après, son ouvrage à la main ; mais, en voyant Pauline, elle hésita, sachant bien que celle-ci tolérait rarement sa présence. Elle allait s’en retourner, quand sa bienfaitrice lui dit doucement :

— Asseyez-vous, Rose, ma nièce n’a pas de secrets à me communiquer ce matin.

Rose obéit, et pendant quelques minutes Pauline de Nevers, silencieuse, l’examina soigneusement. Rien n’échappa à ce regard perçant, et plus elle la considérait, plus elle s’étonnait de la rare beauté et de la grâce remarquable de la jeune villageoise. Il n’est pas étonnant, pensait-elle en elle-même, qu’une telle figure ait pu tourner la tête à de Noraye ; et comme une réflexion désagréable se présentait tout naturellement à son esprit, elle se mordit la lèvre de dépit.

— Voulez-vous me dire, demanda-t-elle tout à coup avec brusquerie, où vous avez fait la connaissance du vicomte de Noraye ?

C’était la première fois que la hautaine demoiselle de Nevers s’adressait ainsi directement à Rose ; et celle-ci, confondue autant par cette circonstance que par la question elle-même, rougit et dit :

— À Villerai, mademoiselle.

— Sans doute ; mais pourrais-je de plus vous demander dans quelles circonstances particulières une connaissance