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LE MANOIR DE VILLERAI

— Merci, vicomte, de votre prétendu compliment, reprit la jeune fille en se retirant en arrière avec un air de suprême hauteur. Mademoiselle de Nevers n’est pas habituée à se voir comparer avec les servantes de sa tante, quoiqu’il puisse en résulter pour elle-même un banal compliment.

— Ah ! ma charmante demoiselle de Nevers, répondit le jeune Français, en reprenant sans effort sa physionomie composée ordinaire, l’homme s’incline toujours devant la beauté, soit qu’il la rencontre dans une duchesse ou une servante, une reine ou une paysanne. Pensez-vous, par exemple, que si la nature avait injustement ordonné que vous, au lieu de porter un ancien et noble nom, fussiez née dans l’humble position de Rose, pensez-vous, je le répète, que j’aurais pu passer devant vous sans vous adresser un regard flatteur ou une parole bienveillante ?

Le compliment était adroitement tourné, et Pauline se mordit la lèvre pour arrêter le demi-sourire qui commençait à se répandre pour sa figure ; mais elle résolut de ne pas lui pardonner aussi facilement, et elle reprit :

— Vous n’avez pas mis de temps, vraiment, à connaître le nom de votre déesse. Dites donc, est-ce la première fois que vous la rencontrez ?

La question avait été faite sans intention. Mademoiselle de Nevers n’avait jamais songé à une réponse affirmative ; mais à sa grande surprise, de Noraye répondit avec indifférence qu’il croyait avoir rencontré cette jeune fille, mais qu’il ne se souvenait pas précisément où ni dans quelle circonstance.

C’était là vraiment une grande découverte pour mademoiselle de Nevers. Quoi ! la simple, modeste et timide Rose, devant qui madame de Rochon lui avait presque défendu de parler, de crainte que son léger badinage ne blessât sa candeur, connaissait ce gai et brillant jeune Français, qui savait son nom, et louangeait sa beauté avec enthousiasme. C’était certainement une bonne occasion de triompher sur madame de Rochon, qui lui avait souvent reproché son manque de politesse envers cette même Rose. La satisfaction que lui causa cette pensée, lui rendit complètement ses sourires et sa bonne humeur.

Le lendemain matin, de meilleure heure que de coutume,