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LE MANOIR DE VILLERAI

mot bienveillant, et résistant à toutes les sollicitations de sa parente, qui la priait de montrer un peu plus d’amitié et de considération à la pauvre orpheline qu’elle avait reçue dans sa maison. Mais Rose avait été trop rudement élevée à l’école du malheur pour attacher une grande importance à une pareille bagatelle. Et quoiqu’elle soupirât quelquefois involontairement quand mademoiselle de Nevers, brillante de soiries et de dentelles, passait brusquement devant elle, sans lui accorder un regard, même après plusieurs mois de résidence chez madame de Rochon ; ou bien lorsqu’elle disait subitement à sa tante, en entrant dans le salon, qu’elle voulait être seule avec elle, faisant ainsi comprendre à Rose qu’elle était de trop, celle-ci, cependant, ne s’en fâchait pas et ne s’en plaignait jamais ; son bon sens naturel et sa douceur l’en empêchaient.

Un jour d’avril, Rose était assise près de sa fenêtre, son ouvrage à la main, regardant par moment la confusion et le désordre général que la pluie venait de causer parmi les promeneurs qui étaient sur la place, quand elle entendit tout à coup le bruit du marteau de la porte d’entrée, suivi aussitôt d’éclats de voix et de rires dans les escaliers.

— Là ! entrez dans cet appartement, ennuyeux que vous êtes, dit une voix qu’elle reconnut pour celle de mademoiselle de Nevers. Non, non, vous ne pouvez pas venir avec moi.

C’était évidemment là une réponse à une demande formulée par une voix masculine ; mais Rose n’en put saisir les paroles.

— Il faut que j’aille arranger mon chapeau et mes cheveux, qui sont tout défaits. C’est votre faute, aussi, vous qui prétendiez qu’il ne pleuvrait pas ; ainsi entrez là dedans et faites pénitence tout seul, jusqu’à ce que je redescende.

La porte s’ouvrit, et Rose hésitait encore sur ce qu’elle devait faire, quand le vicomte de Noraye entra dans la chambre.

En apercevant Rose, il s’excusa avec grâce, et ôta son chapeau avec cette aisance et cette courtoisie qui lui allaient si bien quand il voulait ; mais tout à coup l’expression de sa figure marqua un profond étonnement, et il dit à Rose, avec une certaine familiarité :

— Quoi, est-il possible ? oui, vraiment, mademoiselle,