— Viens-t-en, nous ne connaissons pas encore son courage, nous ne l’avons pas encore vu mis à l’épreuve : mais il y a chez lui un air de noblesse qu’on ne rencontre pas chez son gros rustaud de frère. As-tu remarqué ses petites mains et ses petits pieds, ses traits réguliers, sa belle taille mince et gracieuse ?
En entendant ces paroles, Paul fronça les sourcils, mais ne fit aucune observation ; seulement il se pencha en avant pour voir ceux qui parlaient ainsi : Armand en fit autant. C’étaient, le premier un grand et élégant garçon de dix-sept ans du nom de Victor de Montenay, l’autre appelé Rodolphe Belfond, le propriétaire du couteau, jeune homme à figure basanée, à stature compacte et carrée, un peu plus jeune.
— Ne parles pas aussi légèrement, de Montenay ! dit avec colère Belfond. Que peut faire un garçon avec une figure aussi jolie et des mains aussi petites que celles d’une fille ?
— Il vaut autant demander à quoi sert au beau cheval de course d’avoir des jambes fines et gracieuses et des formes élégantes, plutôt que la lourde taille et les mouvements du cheval de trait ?
— Je ne vois pas à quoi tu en veux venir, répondit Belfond. Je suppose qu’à tes yeux un camarade ne peut pas avoir une taille décente et être d’une certaine grosseur sans que tu le compares à un cheval de trait, simplement parceque tu te trouves toi-même dans la catégorie des fluets !