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faire cet appel j’ai risqué d’encourir la colère de ma mère, les insultes de votre femme, les moqueries de vos amis. Oui, vous m’écouterez !

— Mademoiselle de Beauvoir, je n’ose pas. Je puis volontiers vous offrir mes résolutions de faire mieux, mais je n’ose me hasarder plus loin que cela. À présent que j’ai goûté à la coupe de l’oubli et que je l’ai trouvée si bienfaisante, si salutaire, je ne puis promettre solennellement d’y renoncer.

— Mais est-ce que vous allez échanger la noble dignité d’honnête homme, les talents dont Dieu vous a si abondamment doué, pour la vie dégradante d’un ivrogne, la mort prématurée et affligeante d’un ivrogne ?

— La vie ne m’est pas si agréable pour que je m’y cramponne, répliqua-t-il avec amertume.

— Oh ! je sais cela, Armand, — et elle joignit involontairement les mains, tandis que ses yeux s’emplirent de larmes ; — j’ai entendu tout ce qui s’est passé : nous occupions, ma mère et moi, la chambre voisine, et quoique nous ayions pu faire, nous avons entendu chaque mot à travers la mince cloison. Qu’est-ce qu’il y a d’étonnant qu’après qu’elle vous eût laissé et qu’eux fussent arrivés, vous, douloureusement éprouvé, tenté dans votre heure de faiblesse, ayiez failli ? À peine ai-je pu m’empêcher de me rendre près de vous pour vous arracher le verre des mains, mais ma mère était avec moi et je n’ai pas osé. Puis je les ai entendus se glorifier de votre