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forcé, et il essayait évidemment à inventer une réponse lorsque la voix aigüe de Délima se fit entendre.

— Il a vraiment choisi un vilain temps pour dormir en plein jour lorsque c’est à peine si nous avons, dans la maison, assez d’argent pour nous procurer à dîner. Si je n’étais pas là, il dépenserait la plus grande partie de l’argent du mois à payer des dettes, comme si nous en avions les moyens !

— Hier matin j’ai vendu ma montre, et il n’est pas possible que le prix que j’en ai obtenu ait tout passé pour les chétifs repas que nous avons faits depuis ce temps-là, répondit le jeune mari d’un air abattu.

Délima ne put s’empêcher de rougir. Elle n’attendait pas autant de franchise de sa part, surtout devant un étranger ; mais, comme depuis longtemps elle avait résolu de ne pas se laisser dominer, elle reprit :

— Mais ça va passer avant que tu penses à m’avoir d’autre argent, et alors, je suppose, il nous faudra crever de faim.

Armand, dont les yeux languissants étaient ombragés par un air de souffrance plus qu’ordinaire, se passa la main sur le front.

Belfond, qui retenait avec grande peine l’indignation excessive que lui faisait éprouver la mauvaise humeur de l’acariâtre jeune femme, s’interposa.

— Ma chère madame Durand, dit il, vous voyez que votre mari n’est pas bien : je vous en prie, laissez-le seul avec moi pendant quelque temps, car j’ai quelque chose d’important à lui communiquer.