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t’en demanderai pas davantage. Laisses-moi te dire maintenant sans réserve tout ce que j’ai sur le cœur, et puis si tu le désires, je garderai ensuite le silence.

Pensant qu’il y avait quelque vérité dans ce que sa sœur lui disait, Durand inclina la tête, et elle reprit :

— Du temps de notre pauvre mère, bien que tu n’eusses pas plus de vaches dans tes pâturages qu’il y en a maintenant, et peut-être moins puisque tu as ajouté trois belles génisses à ton troupeau, il y avait toujours rangés dans ta cave plusieurs quartauts de bon beurre bien fait, attendant que les prix fussent satisfaisants pour être transportés au marché ; toujours il y avait sur tes tablettes des rangées de fromages et des paniers d’œufs. Et aujourd’hui ? Il n’y a rien à vendre pour le présent et rien pour plus tard. Dans un coin de la laiterie malpropre un quartaut d’une certaine substance rance que nous devons appeler beurre parcequ’elle ne répondrait à aucun autre nom, une douzaine d’œufs peut-être sur une assiette fêlée, et un peu de crème moisie : voilà toute ta richesse de laitage. L’état des choses est-il meilleur dans la basse-cour ? Quand je songe aux nombreuses couvées de grasses volailles, de dindes et d’oies qui la peuplaient jadis, mon cœur souffre en n’y voyant maintenant qu’une couple d’oisons et de dindes solitaires, ainsi que les quelques chétifs bantams aussi sauvages que des bécasses qui prennent leur nourriture où ils peuvent, car la plupart du