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II


Une assez vive jalousie avait éclaté à Alonville à cause de la manière prompte et inattendue dont le meilleur parti de la paroisse avait été pour ainsi dire enlevé par une étrangère, et les langues des mères aussi bien que celles des jeunes filles étaient également actives et sans miséricorde à dénoncer ce mariage.

— Qu’a-t-il donc découvert en elle ? disait-on ; qu’a-t-il vu dans cette créature au visage de poupée, sans vie et sans gaieté, qui l’ait séduit à ce point ? Qu’est-ce qui a pu l’induire à prendre en mariage une étrangère, quand il y avait dans son village tant de jeunes et jolies filles qu’il connaissait depuis la plus tendre enfance ? Elle a de très-petits pieds et des mains très-mignonnes, c’est vrai ; mais tout cela est-il bon à quelque chose ? Ces mains peuvent-elles boulanger, filer, traire ou faire quoique ce soit d’utile ? Ah ! bien, la rétribution ne manquera pas d’arriver, et Paul Durand pleurera sous le sac et la cendre les jolies filles qu’il a laissées de côté pour ce petit poupon !

Mais toutes ces récriminations et ces prophéties lugubres ne troublaient en rien la sérénité de ceux qui en étaient l’objet. Étaient-elles cependant sans fondement ? Hélas ! pas tout-à-fait, comme on va le voir. La nouvelle mariée avait peu, sinon aucune connaissance sur la tenue d’un ménage, et c’est