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La sincérité de quelques-unes des allusions qu’il venait de faire jeta Antoinette dans une confusion telle qu’elle n’osa pas répondre. Louis crut lire dans cet embarras la justesse de ses reproches.

— Assurément, reprit-il d’une voix dans laquelle le regret avait remplacé l’amertume, assurément, cela ne peut pas être : non, vous ne pouvez pas avoir donné avec autant de précipitation à un étranger l’amour que vous refusez à un ami d’enfance éprouvé.

— Peu importé que cela soit ou ne soit pas, répondit la jeune fille profondément touchée par ces dernières paroles ; mais je vous prie de ne pas m’en vouloir si je vous avoue franchement, dans toute la sincérité de mon âme, que je ne pourrai jamais vous rendre amour pour amour.

— Qu’il en soit ainsi ! répliqua-t-il d’une voix qu’il s’efforça de rendre calme, mais qui trahit par un tremblement de ses lèvres la pénible émotion qu’il éprouvait. À tout prendre, il vaut mieux que nous sachions dès maintenant à quoi nous en tenir l’un et l’autre. Seulement puisse celui que vous avez choisi se montrer aussi aimant aussi sincère que je l’aurais été !

Il s’établit alors un silence qu’Antoinette rompit bientôt en s’écriant d’une voix pleine de trouble :

— Je crains que papa ne soit fâché contre moi. Paraissait-il tenir beaucoup à notre mariage ?

— Tellement, qu’il n’avait pas même entrevu la possibilité de l’insuccès de ma démarche.