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renversée qui se trouvait à côté du chemin imprima un nouvel élan à la terreur des chevaux déjà à moitié furieux. D’un bon terrible, ils s’élancèrent en avant, et, pour comble de malheur, les rênes que les efforts désespérés du colonel avaient tenues à la plus haute tension se rompirent tout à coup.

En cet instant d’extrême péril, il n’y avait pas à compter avec l’étiquette de la cérémonie. Prompt comme la pensée, Evelyn s’empara de sa compagne, et, murmurant à ses oreilles ces mots : “ pardonnez-moi ! ” il la jeta sur le sol recouvert de neige. Immédiatement après, il sauta lui-même à bas de la voiture, non sans avoir failli s’embarrasser dans les robes et vint tomber avec violence près d’Antoinette. Sa première pensée fut pour la jeune fille qui déjà s’était relevée et était appuyée sur un tronc d’arbre ; pâle de terreur.

— Seriez-vous blessée ? demanda-t-il avec empressement.

— Oh ! non, non, répondit-elle ; mais les chevaux, les pauvres chevaux !

Le colonel regarda vivement autour de lui. Où étaient-ils ? Renversés au pied de la rive escarpée, mutilés et couverts de sang mais luttant encore avec l’énergie du désespoir au milieu des rochers et des eaux peu profondes dans lesquelles ils avaient roulé.

Evelyn aimait ses jolis coursiers anglais : eput-être les appréciait-il autant qu’il dépréciait les femmes ;