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sous sa paupière une à une sur le papier qu’elle tenait à la main.

Aucune menace aucune reproche n’étaient pourtant formulés dans cette lettre ; non, mais avec une fermeté pleine de tendresse, la gouvernante parlait des devoirs à remplir, des pièges à éviter, et conjurait sa chère enfant de scruter minutieusement son propre cœur afin de voir si, depuis qu’elle était entrée dans la vie élégante qu’elle menait, elle n’était pas devenue infidèle à ses devoirs.

Pour la première fois depuis son arrivée sous le toit de madame d’Aulnay, Antoinette suivit ce salutaire conseil, et à peine avait-elle terminé cet examen de conscience qu’en face du tribunal de son cœur elle se trouva condamnée.

Était-elle bien toujours, en effet, cette jeune fille simple et naïve dont les pensées et les plaisirs étaient, quelques semaines auparavant, aussi innocents que les pensées et les plaisirs d’une enfant ? Elle dont les longues conversations avec madame d’Aulnay n’avaient d’autres sujets que la toilette, la mode et les sentiments extravagants ; elle qui vivait maintenant dans le cercle d’une vie de gaieté et de plaisir qui ne lui laissait pas même le temps de se reconnaître et de réfléchir, était-elle bien toujours ce qu’elle avait été jadis ? Quels amusements avaient aujourd’hui remplacé ces agréables promenades, ces utiles lectures, ces devoirs de religion et de charité qu’elle accomplissait