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jours s’écoulèrent sans qu’on le vit dans la maison de Madame d’Aulnay. Une proposition qu’il fit avec beaucoup de déférence et qui, après quelques instances de sa part, fut acceptée par les deux dames, augmenta davantage son intimité : cette proposition était de se constituer leur professeur d’anglais. Madame d’Aulnay ne connaissait que très médiocrement cet idiome ; mais Antoinette, qui éprouvant quelques difficultés à le prononcer, avait une connaissance assez exacte de sa construction grammaticale, grâce aux leçons de sa gouvernante qui lisait et écrivait l’anglais très couramment, quoique, comme la plupart des étrangers, elle ne le prononçât pas bien correctement : elle voulait perfectionner son éducation anglaise.

Quels dangereux moyens d’attraction étaient ainsi mis à la disposition du major Sternfield dans cette nouvelle situation ! S’asseoir tous les jours pendant plusieurs heures à la même table que ses charmantes élèves, lisant à haute voix quelque poème émouvant, quelque gracieux roman, pendant qu’elles étaient toutes entières au plaisir d’entendre les riches accents d’une voix remarquablement musicale ou de suivre sur sa figure le jeu expressif de ses traits réguliers et irréprochables ! Et puis, lorsqu’il arrivait à un passage particulièrement beau et profondément sentimental, combien était éloquent le rapide coup d’œil qu’il lançait vers Antoinette ! combien ardente et passionnée était l’expression de ses grands yeux noirs !