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quelques instants, — on a dit tant de vilaines choses sur mon compte. Comment pouvez-vous ainsi sans crainte braver le jugement du monde et faire votre femme de celle qui est l’objet de sa censure et peut-être de son mépris ?

— Il y a bien longtemps déjà que j’ai cessé de m’occuper des jugements ou des opinions du monde, et je ne souffrirai jamais qu’il m’influence quand le bonheur de toute ma vie est en jeu. Ne tourmentez pas votre esprit par des bagatelles et des fantômes, ma chère Antoinette. Grâce à la miséricorde de ce Dieu tout-puissant que j’ai si criminellement oublié dans les jours néfastes de ma vie d’adversité et au service duquel vos conseils et vos exemples vont me ramener, l’avenir se lève devant nous brillant et plein de séductions. Le consentement de votre père est déjà obtenu.

Antoinette fit un mouvement de joie inexprimable.

— Oui, continua-t-il, avant de vous renouveler ma demande, j’ai cru qu’il n’était que juste de m’adresser à lui. Il a consenti sans trop d’hésitation, après m’avoir déclaré toutefois que si les circonstances n’avaient pas forcé M. Louis Beauchesne de s’expatrier pour toujours, il ne se serait jamais rendu à ma prière.

— Oh ! colonel Evelyn, s’écria-t-elle pendant que des larmes tombaient de ses yeux, je suis trop heureuse ; laissez-moi maintenant, car cet excès de bonheur m’accable.