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avoir tant souffert et avoir été aussi rudement éprouvée, vous êtes donc à moi, enfin !

Il n’y avait plus besoin de détour ni de dissimulation, et, d’une voix brisée par l’émotion, elle lui manifesta toute sa gratitude, sa joie, son bonheur.

Ils avaient beaucoup à se dire l’un et l’autre. Avec une candeur enfantine devant laquelle cet austère militaire aurait pu s’agenouiller, elle lui raconta l’histoire de cette rude et dure épreuve. Elle hésita, il est vrai, quand elle en vint à la partie où il avait lui-même été acteur dans ce grand drame de sa vie à elle, quand elle dut reconnaître combien il était devenu cher à son cœur ; mais elle finit par lui dire tout, ses efforts incessants pour lutter contre son amour naissant, ses tentations et ses souffrances.

Lorsqu’elle eut terminé son récit, au cours duquel elle avait évité autant que possible de mentionner le nom de celui qui l’avait rendue aussi malheureuse, — elle laissa glisser sa tête sur le bras du canapé ; mais Evelyn l’attirant sur sa poitrine :

— Voilà, dit-il, la seule place où elle doit désormais reposer. Ô ma bien-aimée ! comme l’or que l’on retire purifié de la fournaise, ainsi sortez-vous de cette violente épreuve : vous êtes ce que, dès le commencement, j’avais cru, j’avais espéré que vous étiez.

— Mais, colonel Evelyn — et elle releva tout-à-coup son visage sur lequel une pâleur de marbre avait remplacé le vif incarnant qui s’y faisait remarquer depuis