Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/332

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chaise qu’Antoinette venait de quitter ; mais au milieu de son étonnement, il ne put empêcher un juste sentiment d’indignation de pénétrer dans son cœur en remarquant les paroles d’amère ironie que Sternfield adressait à la malheureuse jeune femme qu’il avait décorée du titre d’épouse.

— Parlez donc : que dit mon pouls ? continua le blessé. Ah ! vous ne devez pas me cacher la vérité : je ne suis pas un enfant pour m’effrayer de quelques heures de moins ou de plus. Vous ne répondez pas ? n’importe ; le mouvement de votre tête en dit suffisamment : je suppose que je suis inscrit sur le grand livre pour faire, avant ce soir, mon dernier voyage ?

Le médecin resta muet. Il ne pouvait pas consciencieusement le contredire ; car, malgré la force qu’avait encore la voix du blessé, malgré la rapidité de sa prononciation, son pouls faible et irrégulier indiquait qu’une réaction soudaine, suivie par la fin, allait bientôt se produire.

— Je ne puis plus rien faire pour vous, Sternfield, dit enfin le Dr Manby en se levant brusquement. Quelques gouttes de cette fiole quand vous vous sentirez faible, voilà tout ce que je puis prescrire ; du moins, c’est tout ce qui vous sera de quelque utilité. Adieu ! que le Ciel vous bénisse !

Et, après une longue et amicale poignée de mains, le bon docteur se retira, plus agité et plus triste qu’il n’eût voulu paraître.