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— Qu’on dise ce que l’on voudra, Lucille, j’irai seule.

— Tu ne ferais pas cela. Après t’être constamment querellé avec l’infortuné Sternfield depuis votre mariage, pour garder sans tache le beau nom que tu portes, iras-tu maintenant déshonorer ce nom aussi inutilement ?

— C’est mon devoir, et, quelles que soient les conséquences, je dois le remplir.

— Mais, pauvre étourdie, tu ne l’affectionnes pas, tu ne l’estimes même pas.

— Oh ! c’est une raison de plus pour que je me rende sans délai à son lit de mort. Hélas ! le remords pèse déjà bien assez sur mon cœur, je ne veux pas le rendre plus lourd encore.

— Mais enfin, quel bien peux-tu lui faire ? insista madame d’Aulnay.

— Ma présence adoucira ses derniers moments, le consolera peut-être. Voudrais-tu donc — et un frisson convulsif courut par tous ses membres — voudrais-tu donc le voir mourir avec de la haine contre moi dans son cœur, peut-être des malédictions sur ses lèvres, comme cela peut très-bien arriver si, oubliant ses droits et mes devoirs, je reste loin de lui.

— Dans ce cas, attends un moment : M. d’Aulnay est sorti, mais je l’attends d’une minute à l’autre, et dès qu’il sera de retour, je lui demanderai hardiment de nous accompagner.

Mais Antoinette ne voulait pas perdre, à attendre,