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Antoinette leva sur sa cousine un regard de douloureuse curiosité, à ces mots.

— Peut-être, continua Lucille, ne devrais-je pas te dire cela, mais tu l’apprendrais plus brusquement ailleurs : eh ! bien, on dit qu’il mène depuis quelque temps une vie très-volage.

L’inquiétude qui se lisait dans les yeux d’Antoinette augmentait d’intensité.

— Oui, ajouta Lucille, sans parler de fautes encore plus impardonnables et que je m’abstiendrai de mentionner, il parait qu’il est devenu un joueur fieffé : on dit que ses pertes sont énormes. C’est probablement sa complète séparation de toi qui l’a ainsi jeté dans le désespoir.

Antoinette soupira — un long et profond soupir. Oh ! comme l’avenir pour elle s’assombrissait tous les jours davantage ! Le joueur fieffé, le libertin prodigue dont les fautes servaient de pâture aux cancans de tout le monde, était le compagnon de sa vie, son mari à elle ; et elle n’attendait que sa volonté, qu’un mot de lui pour laisser les tendres amis de son enfance, son heureuse demeure, peut-être son pays natal, et le suivre lui et sa fortune ruinée. Il lui restait cependant une suprême espérance : sa santé qui déclinait tous les jours ; et ce fut avec de vives palpitations de cœur qu’elle se dit que la mort pourrait la sauver d’une union dont elle entrevoyait la consommation avec une terreur inexprimable.