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lui épargner les scènes orageuses, les horribles persécutions dont il l’avait abreuvée jusque-là et qui, pensa-t-il, avaient singulièrement ébranlé la santé de son corps et ruiné son bonheur. Sous l’empire de cette tardive résolution :

— Comme je sais, dit-il, que ma présence à Valmont est pour toi un sujet d’inquiétude, je vais partir dès la pointe du jour. Je ne chercherai pas à te revoir, de crainte que nous soyons découverts. Ainsi, je vais te faire de suite mes adieux.

Elle se pencha davantage et étendit sa main qui était brûlante : le militaire éprouva comme un remords quand il y appuya ses lèvres.

— Si tu désires me voir, dit-il, écris-moi un mot. Jusque-là, je ne viendrai plus te troubler.

— Que Dieu vous bénisse, Audley ! — soupira-t-elle en balbutiant, car la douceur extraordinaire dont son mari venait de faire preuve l’avait singulièrement touchée. — Je vous écrirai souvent, et je vais vivre aussi tranquille que vous puissiez le désirer.

En un moment, il avait sauté sur le petit balcon et était aux côtés d’Antoinette. Un embrassement ardent, passionné, et il partit aussi rapidement, aussi silencieusement qu’il était venu.

Quelques minutes après, Antoinette était de retour dans la salle à dîner pour surveiller le service de la table ; et M. de Mirecourt, remarquant le vif incarnat de ses traits, demandait en riant : « Où elle avant volé le fard qui recouvrait son visage ? »