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solitude dans laquelle son cœur avait vécu durant l’absence de son cher enfant, — Madame de Mirecourt trouva une foule de raisons pour exonérer l’accusée : cette pauvre Corinne, dit-elle, est tellement malade ! elle a des maux de tête si fréquents !… Mais ces excuses charitables n’empêchèrent pas le jeune homme de persister dans sa première idée et d’attribuer la froideur de Corinne à un détestable égoïsme.

On aurait pu croire que Madame de Mirecourt, qui venait de retrouver son fils, ne se presserait pas de partager avec une rivale la large part qu’elle occupait dans son cœur ; cependant, tel était bien son désir. En effet, à peine était-il installé dans la maison, qu’un vif désir de le voir marié s’empara d’elle. Obéissant à l’impulsion de cette préoccupation maternelle, elle en dit un mot à quelques-unes de ses amies, et Arthur se vit bientôt assiégé d’invitations pour des soirées et des parties de plaisir où il était certain de rencontrer de jolis minois qui auraient figuré avec un singulier avantage dans les salons du vieux Manoir. Âgé de vingt-huit ans, douée d’une brillante imagination, le cœur libre de tout lien, le jeune de Mirecourt ne crut pas devoir s’abstenir de ces réunions sociales, et il y manqua rarement. Bientôt il fut obligé de s’avouer à lui-même qu’il répondait quelque peu à la sympathie que semblait avoir pour lui une riche héritière, jeune, jolie et parfaitement douée sous le rapport de l’esprit. Mais les choses n’avançant pas avec la