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— Oui, mais je suis devenue plus endurcie que j’étais alors, plus indifférente aux conséquences que pourrait avoir une pareille escapade ; je crois, d’ailleurs, que, dans son propre intérêt, il n’essaiera pas de me pousser à bout.

— Comme de raison, Antoinette, si tu es décidée de partir, je n’ai plus rien à ajouter ; mais, est-ce que tu n’es pas d’opinion qu’il vaudrait mieux braver la colère de ton père, quelque terrible qu’elle serait d’abord, et lui faire connaître de suite votre mariage ?

— Cela ne conviendrait pas du tout au major Sternfield ! répondit Antoinette en faisant entendre un rire forcé qui fit tressaillir sa cousine. Il m’a déclaré qu’il « ne pouvait se donner le luxe d’une épouse sans dot, » après m’avoir fait promettre sous serment de ne pas divulguer notre mariage jusqu’à ce qu’il m’en donne l’autorisation, ce qui sera probablement au dix-huitième anniversaire de ma naissance, alors que je dois entrer en possession de la fortune de ma pauvre mère.

— Il calcule avec autant de justesse que d’habileté! répliqua sarcastiquement madame d’Aulnay ; mais dis-moi, pauvre cousine, aimerais-tu que je dise tout à ton père moi-même, au lieu d’attendre le bon plaisir de ce mari temporiseur ? Je m’occupe fort peu, quant à moi, de la promesse qu’il m’a frauduleusement arrachée.

Antoinette frémit

— Oh ! non, dit-elle ; je commence à envisager avec terreur l’époque à laquelle il doit venir me réclamer.