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— Fi donc ! major Sternfield, dit-elle avec dédain, c’est maintenant à votre tour de prendre des airs de théâtre. Il y a une demi-heure les paroles que vous venez de proférer m’auraient fait trembler et prendre une attitude suppliante devant vous ; mais je vous déclare que la crainte, l’espérance et tous les sentiments sont maintenant étouffés dans mon cœur.

Sternfield la regarda d’un œil terrible. Elle était là devant lui, calme, fière, ravissante dans sa gracieuse toilette de bal, délicate dans sa beauté d’enfant ; mais son front portait l’expression d’une fermeté inébranlable qu’il ne lui avait pas encore connue et qui lui disait qu’elle mettrait rigoureusement à exécution les résolutions qu’elle venait de formuler. Avec une angoisse pleine de colère il reconnut en lui-même que son inconcevable violence lui avait aliéné, peut-être pour toujours, l’amour de cette incomparable jeune fille.

— Qu’il en soit comme tu le désires, Antoinette, s’écria-t-il. Tu as voulu amener cette querelle entre nous, c’est bien ; mais rappelles toi que, dans la prospérité comme dans l’infortune, dans la pauvreté comme dans l’aisance, dans la maladie comme dans la santé, jusqu’à ce que la mort nous sépare, tu es à moi et uniquement à moi !

Malgré son calme et son stoïcisme, elle ne put s’empêcher de tressaillir en entendant ces sinistres paroles. Mais recouvrant presqu’aussitôt son sang-froid, elle répondit ;