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enterrement. Des monceaux énormes se trouvaient sur notre chemin, et souvent, très souvent, nous fûmes obligés de recourir aux pelles de bois que notre conducteur, dans la prévision sans doute d’une semblable éventualité, avait mises dans le fond de la voiture.

— Et comment le colonel Evelyn s’est-il conduit, mon oncle ?

— Comme devait se conduire un homme brave, un vrai soldat. Il ne murmurait pas ni ne se plaignait, mais travaillait, et quand il fallait mettre les pelles en réquisition, il se servait de la sienne avec autant d’adresse qu’un de tes héros parfumés, belle nièce, peut se servir de sa canne à pomme d’ivoire.

— Mais, cher papa, vous avez dû souffrir horriblement ? s’écria Antoinette.

— En effet, ma fille. Chaque muscle de mes membres, chaque veine de mon corps souffraient, et ma respiration était courte, quelquefois même embarrassée. Et les chemins !… Oh ! que nos pauvres chevaux se démenaient et se débattaient dans les grands bancs de neige que nous rencontrions si souvent ! Quand nous arrivâmes à la petite auberge où nous devions passer la nuit, j’étais littéralement épuisé.

— Et votre compagnon de voyage ? demanda madame d’Aulnay.

— Tout ce que j’ai à en dire, c’est qu’il a une constitution de fer, car si peu habitué qu’il doit être à notre climat, il en supporte les rigueurs mieux encore que le