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résultat que, quelques jours après, Antoinette recevait une lettre très-bienveillante de son père qui lui disait que puisqu’elle menait à la ville une vie si paisible, elle pouvait, si elle le désirait, y prolonger son séjour de deux ou trois semaines. Il ajoutait qu’il était sur le point de partir pour Québec où l’appelaient ses affaires, et qu’à son retour il arrêterait la prendre à Montréal pour la ramener.

— Ne trouves-tu pas singulier que Sternfield soit si longtemps sans venir ? demanda un jour madame d’Aulnay à sa cousine. Plus d’une semaine s’est écoulée depuis sa dernière visite ; il n’a pas même fait d’apparition depuis que ce héros de roman, le colonel Evelyn, est venu.

Antoinette se contenta de soupirer, pendant que madame d’Aulnay reprit, avec un bâillement qui défigura sa belle petite bouche :

— Il viendra certainement aujourd’hui : je l’espère du moins, car je suis d’une humeur massacrante, et je voudrais le voir, ne serait-ce que pour me quereller avec lui. Bah ! je suis fatiguée de cet ouvrage stupide.

Et, jetant sa broderie de côté, elle s’approcha de la fenêtre. Les observations qu’elle se mit à faire sur le compte de ceux qui passaient n’étaient pas précisément flatteuses. Tout-à-coup elle s’écria brusquement :

— Aussi vrai que je suis vivante, voici Sternfield qui se promène avec la jolie Eloïse Aubertin avec laquelle il s’est si désespérément amusé à ma dernière soirée. N’est-ce pas infâme ?