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tandis que moi je suis d’un tempérament romanesque et enthousiaste, ne pouvant souffrir la vue d’un livre, à moins que ce ne soit un roman ou une poésie sentimentale… nous sommes heureux, en dépit de cette frappante disparité de goûts et de caractère, et nous avons l’un pour l’autre un mutuel attachement.

— Aimais-tu beaucoup M. d’Aulnay lorsque vous vous êtes mariés ? demanda tout-à-coup mais avec hésitation Antoinette qui avait la conscience de parler d’un sujet jusque-là défendu à sa jeune imagination.

— Oh ! non, chère. Mes parents, quoique remplis de bonté et d’indulgence à mon égard, se montrèrent inflexibles sur cette question de mon mariage. Il se contentèrent seulement de m’informer que M. d’Aulnay était le mari qu’ils m’avaient destiné et que je lui serais unie dans cinq semaines. Je pleurai presque sans interruption pendant huit jours. Mais maman m’ayant promis que je choisirais moi-même mon trousseau qui serait aussi riche et aussi coûteux que je pourrais le désirer, je fus tellement occupée par mes emplettes et mes modistes, que je n’eus plus de temps à donner à l’expansion de mes regrets, jusqu’au jour de mon mariage. Eh ! bien, malgré cela, je te déclare que je suis heureuse, car M. d’Aulnay s’est toujours montré indulgent et généreux ; mais, ma chère enfant, l’expérience a été terriblement hasardée, car elle aurait pu se terminer par une longue vie de misères… Souviens-toi, Antoinette, continua-t-elle avec un petit air de