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paroles… Mais il est temps de mettre fin à cet entretien douloureux. Vous ne pouvez donc pas me donner même une lueur d’espérance ?

— Aucune. Je puis seulement vous dire que mon avenir sera bien plus misérable, bien plus à plaindre que le vôtre.

Il la regarda encore une fois en silence. Que de signification, que d’émotion dans ce regard ! L’orgueil ni la colère d’un amoureux désappointé n’y brillaient ; on y lisait plutôt l’amour malheureux, l’immense compassion qu’il éprouvait pour cette faible créature qui avait su s’attirer une si vive affection.

— Adieu, Antoinette ! dit-il enfin, — et sa voix tremblait malgré les efforts qu’il faisait pour en dominer l’émotion, — adieu ! Souvenez-vous que, dans vos chagrins et dans vos épreuves, vous avez un ami que rien ne peut vous aliéner.

Les chagrins et les épreuves ! ah ! oui, ils étaient venus, et il y avait pris, lui, une grande part : il avait versé dans le calice de sa misère une amertume que ses forces chancelantes pouvaient à peine supporter et qui laissait sur son front des traces si évidentes, que la tendre compassion qu’il se sentait pour elle dominait le profond désappointement qu’il venait d’éprouver.

Il se retira silencieusement, et elle, presqu’égarée, laissa glisser sa tête sur le bras du canapé, et se mit à souhaiter d’être bientôt débarrassée du fardeau de la vie.