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lisant une mystérieuse consternation sur le visage des domestiques, lorsque je demandai à la voir. Sa mère, une femme respectable et à cheveux gris, vint à moi. Elle me dit de me résigner et de pardonner, que ma fiancée était maintenant la femme de John Evelyn, lord Winterstown !

J’écoutai tout patiemment, presque stupidement, tant ma douleur et ma surprise étaient grandes. Elle m’informa ensuite qu’ils avaient été mariés trois jours auparavant et étaient partis pour un long voyage. À cette nouvelle accablante, je saisis le portrait de la jeune fille, ainsi que les papiers qui me rendaient effectivement possesseur des propriétés par lesquelles mon frère voulait m’indemniser de l’enlèvement de ma femme, et je les jetai au feu.

— Dites-leur m’écriai-je, dites-leur ce que je viens de faire de leurs dons !

— Oh ! ne les maudissez point ! interrompit, la mère toute pâle et tremblante. Ne maudissez point ma fille !

— Non ! répliquai-je, mais je les livre tous les deux au châtiment de leurs remords !

Le même jour, je changeais de régiment et j’entrais dans un autre qui devait partir pour l’étranger.

Depuis lors, j’ai servi aux Indes, à Malte, à Gibraltar ; j’ai passé cinq ans dans une prison de France, triste école où j’appris à parler votre langue,