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— Oh ! oui, je sais à quoi tu fais allusion. J’ai vu moi-même ses indignes coquetteries avec une ou deux des jeunes filles présentes, et je l’ai ensuite fortement sermonné pour cela. Je lui ai dit, entr’autres choses, que tu avais fait preuve de trop de bonté et de patience, et que ce que tu aurais eu de mieux à faire, aurait été de t’amuser avec quelque partenaire de ton goût, pour combiner ensemble le plaisir de l’amusement et celui de la vengeance. Mais, ma chère Antoinette, le regard sombre et furieux qu’il me lança me glaça presque de terreur. « Écoutez-moi bien, madame d’Aulnay m’a-t-il dit. Puisque vous voulez le bonheur de votre cousine, ne lui donnez jamais un pareil conseil. Si vous le faites et si elle agit d’après ce conseil, la conséquence sera que vous aurez, toutes les deux, à vous en repentir le jour même où elle commencera à mettre ce système en pratique. » — « Hein ! major Stemfield, vous êtes un vrai tyran ! répondis-je un peu irritée ; Barbe-Bleue n’était pas de la moitié aussi méchant que vous. » — « Ne parlez pas avec autant de légèreté, Lucille ! » répliqua-t-il en m’appelant avec une grande impertinence, par mon nom de baptême. « J’aime sincèrement, comme tout homme le doit, la femme que j’ai choisie pour être la compagne de ma vie, et je ne puis pas plus lui permettre de jouer avec mes affections qu’avec mon honneur. » N’est-ce pas, chère Antoinette, qu’en dépit de ses fautes, c’est un homme irrésistible ?